Carrière de Bédeilhac – géologie et archéologie

Jean Roques partage ici ses connaissances géologiques et archéologiques sur le massif de Calamès. Nous le remercions pour l’éclairage scientifique apporté au collectif qui se défend contre la réouverture de la carrière.

site de l’association pour suivre les infos sur le projet  www.lesgardiensducalames.fr

La roche dolomitique parfois veinée de marbre blanc (dolomie et calcaire) a été déposée à l’ère secondaire (80 millions d’années) suite à la première orogenèse des Pyrénées et à l’érosion qui s’en suivit. Ceci pour faire comprendre que cette formation est trés répandue; rien que dans notre vallée, les socles (au-dessous des strates calcaires du tertiaire) affleurent à la colline de la Rouère, aux éperons de Siech et de Montorgueil et au Massif du Soudour. Le pic de Calamés n’est qu’un contrefort du Massif des Trois-Seigneurs sur lequel persistent des couches de sédiments tertiaires (calcaires, schistes,…).

Ce matériau présente d’incontestables propriétés ( dureté tout en étant plus facile à concasser que le granite de la chaîne axiale des Pyrénées, meilleure résistance que les calcaires, à l’acidité des eaux, compacité de gros blocs pour la pierre taillée,…) qui le rendent avantageux pour les travaux routiers et la construction en général.

Mais cet intérêt économique ne saurait justifier l’atteinte portée à notre site de Calamés : site à la fois légendaire, historique et d’évidence géographique par son relief particulier reconnaissable à plus de dix kilomètres sur l’axe de la grande voie internationale.

Un patrimoine légendaire: son nom d’origine latine (calamitas : calamité) indique que ce pic a joué un rôle à l’époque romaine. Différemment mais à la même époque où le village de Goulier concentrait les bagnards que les Romains obligeaient à extraire le minerai de fer exceptionnel des mines de Sem dans le Vicdessos. Ces mêmes Romains exploitaient les sables aurifères de la Haute-Ariège( jusqu’au XVIII siècle, l’octroi de Pamiers contrôlait les quantités d’or trouvées essentiellement dans l’Ariège et ses hauts affluents). Or les esclaves-chercheurs essayaient de déjouer la vigilance de l’encadrement militaire pour garder une partie de leur trouvaille. Pour les dissuader, les Romains utilisaient un châtiment exemplaire: la mort. Mais ne pouvant sacrifier trop d’esclaves fautifs, afin d’impressionner encore plus, ils affirmaient que le jugement des coupables était rendu au sommet du Pic de Calamés aprés avoir écouté là-haut,la sentence prononcée par les Dieux.

Puis les condamnés étaient jetés dans le vide du haut du Pic à la vue des autres esclaves. Comme les dix-sept cathares précipités un millénaire plus tard du haut du site du Castela à Tarascon.

Un patrimoine historique:la grande tour de Calamés n’est pas une banale tour de guet comme celles que l’on voit le long de la vallée de l’Ariège. Par son architecture imposante et son volume intérieur c’est un castel qui constituait le bras armé du château de Miremont sis sur la même crête, à la Roche ronde.

Il abritait une bonne trentaine de soldats professionnels prêts sur place à intervenir dès qu’une bande de brigands tout aussi professionnels étaient signalés venant régulièrement piller depuis leurs montagnes ibériques les riches ( cultures, élevage) vallées de la Haute Ariège. Cette garnison de “gens d’armes” a sans doute été la première forme d’une gendarmerie de proximité. Donc le castel de Calamés est le dernier vestige (avec la tour de Montorgueil) des ouvrages de défense d’un patrimoine collectif.

En conclusion, n’ajoutons pas à la naturelle érosion du temps, une dégradation injustifiable à un site aussi prestigieux, si fonctionnel géographiquement et, avouons-le, si beau quand on a la chance de le regarder depuis le haut de la vallée de Saurat: des formes doucement arrondies, vultueuses, même voluptueuses avec ce téton gonflé ça ne vous dit rien?

Bien d’autres gisements de cette roche dolomitique existent aussi favorablement situés pour l’exploitation-transport. L’intérêt économique indéniable mérite un plus large effort de prospection sans attenter au charme du Pic de Calamés.

Jean Roques